de l'AIR !
Imaginez un monde où étudiante, votre petit ami à qui vous annoncez que vous le quittez vous bat. "Moi, on ne me quitte pas", vous dit-il.
Un monde où votre compagnon et vous formez, aux yeux de tous, un couple dynamique de cadres. Il vous a demandé de vous arrêter de travailler mais vous avez refusé. Depuis, chaque jour qui passe, il répète : "tu dois arrêter". Ce soir, en rentrant du bureau, il répétera encore, vous brisera la mâchoire et vous arrachera la moitié des dents à la force des poings.
Un monde où enceinte du premier enfant du foyer, votre compagnon que vous ne voyez plus qu'en coup de vent frappe, frappe, encore et encore sur votre ventre à coup de poings.
Où le compagnon avec lequel vous avez 3 beaux enfants de 5 ans, 3 ans et 7 mois, tous les soirs parce que ivre ou parce que énervé vous bat. Ce soir, il rentrera énervé. Comme toujours, il vous insultera, vous vous disputerez, il cognera. Mais ce soir, il vous jettera dehors, sous la pluie, nue, le corps couvert d'hématomes.
Où devant vos 3 garçons et votre fille, leur père brise des bouteilles sur votre dos, vos épaules, votre tête et vous ouvre le crâne sur plusieurs centimètres. Avant, il y a eu les gifles, puis les poings, puis les manches à balais. Avant, c'était les 10 dernières années.
Un monde où, à 60 ans, le père de vos 2 filles et votre époux depuis tant d'années "vous corrige", comme il a pour habitude de dire, devant votre belle-famille, vous chasse de la maison familiale, sans-le-sou, vous obligeant à trouver refuge dans la chambre d'étudiante de votre fille à la cité universitaire.
Dans ce monde, où vos filles répugnent à la vie de couple par crainte des coups, des maltraitances et des sévices. Où pour toutes réprimandes faites à vos enfants, ils vous rétorquent : "Je vais dire à Papa et tu sais ce qui va t'arriver".
Imaginez-vous, en famille, devant la télévision. Qu'est ce que l'amour ? Sur le plateau, les animateurs qui débattent soutiennent qu'il faut gifler sa compagne à son réveil, lui "donner une bonne claque" sans raisons, sans raisons encore ne pas lui adresser la parole de la journée. Car, disent-ils, "une mauvaise femme" s'opposera à la violence physique et psychologique quand "une bonne femme" se recroquevillera dans un coin pour pleurer et chercher à savoir ce qu'elle a fait de mal.
Voyez-vous un autre jour devant cette même émission télévisée et écoutez les journalistes ricanant enseigner aux téléspectateurs les "trucs et astuces" pour violenter sa compagne sans laisser de traces visibles. Il y a, conseillent-ils, des parties du corps à éviter et d'autres à privilégier : " Si vous frappez sur les épaules, elle aura mal mais il n'y aura pas de séquelles. Le ventre serait approprié, toutefois assurent-ils, la méthode la plus adéquate reste l'étranglement : "Vous l'attrapez par le cou et vous appuyez". Donc, étranglez !
Imaginez–vous, ce jour où l'on vous retrouve morte à votre domicile. Comme parfois, vous vous êtes disputés, comme souvent il a levé la main sur vous, parce qu'il en a pris l'habitude, il vous a étranglé, mais cette fois il n'a pas pu, il n'a pas su s'arrêter.
Ce monde existe et toutes ces histoires ont été vécues. Ce monde est le nôtre et ces propos ont été tenus par les journalistes de la chaîne Vision 4 : en décembre 2017 et récemment, le 1 er mars 2019.
Nous franchissons une ligne rouge si nous ne condamnons pas clairement et fermement tout discours qui promeut la violence domestique dans l'espace public. Nous nous condamnons si nous ne sanctionnons pas et laissons s'installer l'acceptation généralisée de la violence domestique. L'accepter, pire encore, la promouvoir revient non seulement à exposer des épouses, des compagnes, des mères de familles, des millions de Camerounaises à un risque de mort mais encore à mettre en péril l'unité sociale fondamentale qu'est le foyer, la cellule familiale. Ce lieu où naissent et s'éduquent nos enfants, nos filles et nos garçons, l'avenir de notre Nation.
Parce que la violence domestique ne doit être ni "routinière", ni "banale" dans nos esprits, parce qu'elle cause des traumatismes, des blessures et des morts ;
Parce que la violence n'est ni un modèle à promouvoir, ni une norme sociale acceptable, que notre Constitution et nos lois la condamnent, que le Cameroun a signé et ratifié le Protocole de Maputo (Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique) ;
Parce qu'enfin notre responsabilité à tous est d'être vigilantes et vigilants à l'atmosphère qui règne dans et autour de nos foyers.
Aujourd'hui, nous vous demandons d'appeler avec nous au sursaut contre la violence domestique et contre sa promotion.
Pour une nouvelle ère, de l'AIR !
Les signataires
LUCOVIFA (Association pour la promotion de la lutte contre les violences faites aux femmes et la participation au développement de la femme africaine) ; AASLI (Association pour l'aide sociale et la lutte contre l'injustice) ; LA COLOMBE ; WILPF CAMEROUN ; COFEPRE (Collectif des femmes pour la protection de l'environnement, de l'enfance et la promotion du développement durable) ; LE RESEAU DES FEMMES CONTRE LA CORRUPTION (Femmes Anticorruption) ; WOMEN PEACE INITIATIVE ; NORTH WEST CAMEROON WOMAN RIGHTS DEFENDER ; RESEAU DES ENFANTS ET JEUNES AFRICAINS POUR LES DROITS HUMAINS ; REDHAC (Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale) ; FONDATION POUR LES FEMMES AFRICAINES AU CAMEROUN ;
Esther-Aline Bilounga Essamba (Assistante dentaire) ; Solange Bodiong (Cheffe d'entreprise) ; Yvonne Djepang (Militante des droits des femmes) ; Béatrice Elom (Journaliste, Consultante en communication) ; Dr Françoise Elom (Pharmacienne, Vice-Doyenne Faculté des Sciences Pharmaceutiques – Université de l'Equateur) ; Sylvie Ekobe (Juriste) ; David Finka (Militant, aide sociale et justice pour tous) ; Mireille Fomekong (Cheffe d'entreprise, Conseil en marketing et communication) ; Sarah-Jane Fouda (Consultante en communication, Chargée de cours en université) ; Habiba Issa (Femme politique - UPC) ; Gertrude Kemayong (Cyber-militante mouvement La voix d'une survivante) ; Ghislaine Ketcha Tessa (Ingénieure, Cheffe d'entreprise) ; Carine Mambou (Journaliste, écrivaine et fondatrice de l'ONG CAD AID) ; Corine Mbome (Cadre commercial) ; Me Michèle Mpacko (Avocate) ; Minou Chrys-Tayl (Cyber-militante, mouvement J'ai décidé de vivre) ; Sylviane Moudeke (Cheffe d'entreprise) ; Me Marie-Joseph Moungou (Avocate) ; Nanga Pierrette (Militante des droits des femmes) ; Sylvie Ndongmo (Militante, paix et sécurité en Afrique Centrale) ; Nathalie Njoumba (Architecte d'intérieur) ; Maximilienne Ngo Mbe (Juriste) ; Me Alice Nkom (Avocate) ; Raissa Nlep (Militante des droits des femmes et des filles) ; Blanche Ongmessom (Militante des droits des enfants) ; Joshua Oshi (Député) ; Dora Sende (Militante des droits des femmes) ; Titil Sadrack Blanchard (Enseignant) ; Clarence Yongo (Journaliste).
En marge de cette publication, nous avons envoyé une lettre à toutes les parlementaires, députés et sénateurs ; à toutes les ministres ; à Lucy Asuagbor (Commission Africaine – Union Africaine) ainsi qu'à la Première Dame, Chantal Biya, pour leur demander de s’engager avec nous contre la violence domestique et contre sa promotion dans notre espace public.